Rythme, plaisir et mouvement

« De la musique avant toute chose. » Paul Verlaine

Personnellement, la phonétique est le dénominateur commun de tous mes cours. Les techniques pédagogiques faisant appel au corps, au rythme et à la prononciation permettent de dynamiser les cours tout en aidant les étudiants à développer leurs compétences langagières. Des moments de classe debout permettent de remobiliser l’attention des apprenants et parfois de les détacher de leurs téléphones portables.

Phonétique rime avec ludique

En effet, c’est un aspect de la langue qui permet de jouer à l’infini avec la musicalité de la langue en réception et en production orale : les sons, le rythme, les intonations, la voix, le corps, les impressions, les émotions…

Phonétique rime avec dynamique

« La parole est un mouvement, c’est l’air qui sort de la bouche ou du nez en vibrant sous l’impulsion des organes phonateurs. » Pierre Jean Rousselot

L’étude d’une langue vivante est une activité intellectuelle qui peut être optimisée grâce à un travail sur la langue qui mobilise le corps : gestualité, mouvement dans l’espace, travail sur le souffle. Une langue étrangère se vit physiquement. Certaines personnes ont une intelligence kinesthésique très développée, or cette intelligence est peu sollicitée dans les cours de langue. On oublie souvent que l’on ne perçoit pas les sons uniquement avec nos oreilles : “notre corps entier est une grande oreille”, pour reprendre les termes de Michel Billières.

Dans la démarche pédagogique que je développe, je lie l’apprentissage de la langue à des expériences sensori-motrices. La parole, la communication, ne peuvent pas être coupés du corps et de tous ses paramètres : le mouvement, le geste, la voix, le souffle, les émotions.

Phonétique rime avec rythmique

« Entrer dans une langue étrangère, c’est, en premier, entrer dans un rythme étranger . » Bernard DUFEU (https://www.psychodramaturgie.org/upload/Rythme%20et%20expression%20Nov.%201986,%2062-70.pdf)

En tant qu’enseignant, il nous arrive de surévaluer le niveau d’un apprenant pour la simple raison que le débit et la prononciation de ce dernier  nous font oublier les erreurs de grammaire, syntaxes et approximations lexicales. Une langue s’appréhende avant tout par sa structure rythmique. Le défi du prof est donc de faire entrer ses élèves dans le rythme de la langue enseignée. Mais les enseignants connaissent-ils les caractéristiques du rythme parolier de la langue qu’ils enseignent et les relations entre rythme, intonation et sons ?

Phonétique rime avec poétique

L’exploitation de textes littéraires, poésies en prose et en vers peut permettre de sensibiliser les apprenants à la prosodie de la langue en travaillant sur : la syllabation, la pause, l’accent final,  le ”e” instable, les lettres muettes, les phénomènes de liaisons, élisions, enchaînements, la matière phonique, et tout simplement le plaisir de dire un texte et de se l’approprier.

Phonétique rime aussi avec psychologique…

Parler une langue étrangère c’est faire l’expérience de l’altérité : la voix change, les mimiques sont différentes…  Il y a quelque chose de très intime dans la prononciation qui nécessite une pédagogie de la relation. Les progrès en expression orale vont de pair avec le développement de la confiance en soi.

Pour toutes les raisons évoquées plus haut, il est important de décomplexer l’enseignement et l’apprentissage de la prononciation. Les enseignants comme les apprenants ont souvent des craintes concernant cette compétence langagière car c’est la seule qui ne s’apprend pas mais se travaille. En outre, il est difficile pour les professeurs d’évaluer cette compétence.  La langue française a la particularité de présenter des asymétries entre le code oral et le code écrit. Malheureusement, l’enseignement des langues passe presque toujours par l’écrit pour deux raisons : par tradition et pour satisfaire le sentiment de sécurité et de maitrise que procure l’écrit. Hélas, l’écrit PARASITE énormément l’apprentissage du français oral. Dans mes cours pour débutants, malgré la pression de mon public bien formaté à l’apprentissage classique (travailler les quatre compétences du CECR avec un manuel ou des supports écrits), j’introduis l’écrit le plus tard possible. Pour ce faire, je crée des supports de cours audio que je mets en ligne sur un mur d’affichage virtuel (Padlet), accessible pour tous les étudiants disposant du lien vers ce site. En classe, de nombreux exercices faisant appel au rythme et à la prononciation stimulent efficacement l’expression orale.

Les pratiques de classe en FLE peuvent bénéficier des apports d’autres disciplines que le FLE comme l’enseignement du français langue maternelle en primaire, la rééducation de la parole des personnes malentendantes, l’orthophonie, le théâtre, le chant…  Les profs sont libres de créer des passerelles entre différents métiers et disciplines artistiques quand l’établissement dans lequel ils travaillent le permet.

Mes pratiques de classe sont profondément influencées par le travail de différents linguistes et pédagogues qui sont :

Gisèle Pierra, auteur de « Le corps, la voix, le texte », L’Harmattan ; qui a éveillé mon intérêt pour le travail sur le corps, le souffle et le rythme avec des poèmes d’Arthur Rimbaud,

Bernard Dufeu et son travail sur la phonétique autrement ainsi que la Psychodramaturgie Linguistique (PDL),

Michel Billères, spécialiste de la correction phonétique avec la méthode verbo-tonale (MVT),

Adrien Payet et ses formations sur les activités théâtrales en classe de FLE,

Régine Llorca et son travail sur le rythme et la musicalité de la parole,

Suzanne Borel-Maisonny et sa méthode phonétique et gestuelle,

L’association « La joie de parler » et la dynamique naturelle de la parole (DNP),

Anne –Marie Gaignard et sa méthode pour les personnes en difficulté d’apprentissage,

Bruno de La Salle et ses formations en art du conte.

 

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